vendredi 9 juin 2017

La mémoire de deux fillettes dans le chaos de la déportation.

Lorsque nous sommes arrivées au Cercil, la première chose qui nous a frappées est la photo d’Aline Korenbajzer au milieu de la cour, devant le fragment de baraque. Plus tard au cours de la visite, nous avons appris qu’elle est devenue l’emblème du Cercil, ou plus exactement le visage qui représente les 4400 enfants victimes internés dans les camps du Loiret (Jargeau, Pithiviers et Beaune-la-Rolande). Nous allons vous raconter son histoire.
Aline Korenbajzer, âgée de 2 ans.
Photographie conservée  Cercil. 
Abraham Korenbajzer, le père d’Aline, s’est fait arrêter le 14 mai 1941 dans la rafle dite du Billet Vert. Il s’est fait interner au camp de Pithiviers, où il a travaillé dans une ferme et dans une sucrerie, ce qui lui a permis de s’échapper le 31 mars 1942. La guide nous a raconté qu’Abraham, après son évasion, était rentré retrouver sa femme et sa fille Aline pour leur demander de partir se cacher avec lui. Sa femme a refusé, en lui disant qu’il serait plus discret s’il partait seul, et qu’elles ne craignaient rien car en France les femmes et les enfants n’étaient pas en danger. Abraham a fini par partir seul, mais le 17 juillet 1942, sa femme et sa fille ont été prises dans la rafle du Vel D’hiv.
Elles se sont faites interner au camp de Beaune-la-Rolande, jusqu’au 25 août 1942, jour où elles ont été transférées au camp de Drancy. La guide nous a parlé des conditions de vie très compliquées qu’il y avait dans ces camps : pas d’hygiène, ni de confort… elles devaient vivre dans des conditions horribles, alors qu’Aline n’avait que deux ans. Trois jours après elles ont été déportées de Drancy pour Auschwitz, où elles sont arrivées le 31 août 1942. Elles ont directement été envoyées vers Auschwitz Birkenau, où elles ont été assassinées, le jour même, qui était aussi le jour du troisième anniversaire d’Aline. Cette histoire nous a bouleversées et particulièrement touchées car Aline et sa mère furent condamnées à mort sans aucune raison valable, tout comme des milliers d’autres Juifs. Cela dépasse l’entendement. Leur histoire est donc représentative de l’injuste enfer que beaucoup de personnes juives ont vécu pendant cette sombre période. Le visage d’Aline Korenbajzer qui incarne l’innocence a été choisi pour devenir le symbole du Cercil.
     Lors de l’atelier sur la mémoire de la Shoah, notre guide nous a présenté un extrait du témoignage de
Rachel Jedinak en 1941 (à gauche) et en 2015 (à droite).
source: article de La Nouvelle République, 22 nov.2012
Rachel Jedinak, une femme juive qui a été prise lors de la rafle du Vel d’Hiv alors qu’elle n’avait que huit ans. En effet, elle fut prise avec sa mère et sa sœur à leur domicile le 16 juillet 1942, et ont été emmenées dans un lieu de détention. Elles auraient ensuite dû être emmenées au Vélodrome d’Hiver, mais leur mère a remarqué que des policiers faisaient semblant de ne pas voir les enfants qui s’échappaient par la sortie de secours. Elle leur a alors demandé de partir par cette sortie, mais les deux fillettes qui ne comprenaient pas, refusaient de lâcher leur mère. Elle les a alors giflées pour qu’elles s’en aillent. Dans une interview datée de 2015, Rachel disait d’ailleurs que c’était la seule gifle que sa mère ne lui ait jamais donnée. Les deux fillettes se sont retrouvées dans la rue. Sa mère fut déportée et assassinée à Auschwitz, tout comme son père.
 Après la guerre, il était difficile pour les juifs de parler et de raconter ce qui leur était arrivé : les gens préféraient parler de la France résistante. Rachel Jedinak s’est mariée par la suite avec un homme dont les parents et les sœurs avaient aussi été déportés et assassinés, et raconte qu’un jour, sa fille leur avait dit qu’ils étaient méchants car elle n’avait pas de grand-parents, contrairement à ses camarades de classe. Rachel Jedinak a alors expliqué touche par touche l’histoire de sa famille à sa fille, qui a été traumatisée. Elle ne trouva donc pas la force d’en parler. Ce n’est que grâce à ses petits-fils qui l’ont poussée à sortir de son silence, qu’elle s’est enfin exprimée sur son tragique vécu. Elle est aujourd’hui un témoin très important de l’histoire de la Shoah.
Cette visite du Cercil et cet atelier sur la mémoire de la Shoah nous ont permis de mieux comprendre l’enfer qu’ont vécu les juifs déportés, et également de comprendre à quel point en parler et s’en souvenir est important.

 PIQUENET Noémie et  HATTON Camille, élèves de 1S2, lycée François Villon à Beaugency.




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